La tentative de braquage qui a causé le décès d’une jeune fille de 18 ans, dimanche au niveau de la gare de Bir El Bey, dans la banlieue sud de Tunis, est un signe.
Un cas parmi des dizaines d’autres quotidiennement commis dans diverses régions du pays, cet acte de vandalisme renseigne autant non seulement sur la misère économique et sociale ambiantes, mais également sur cette crise de valeurs traversant notre société.
Atrocement commis au cœur du mois saint, ce fait de société, qui n’est point le premier du genre, doit être analysé comme il se doit par ceux qui nous gouvernent. Car, dans le paroxysme de la violence, les sociétés se révèlent à elles-mêmes. Tout autant que l’analyse est l’arme la plus efficace dont peut disposer un décideur dans toute société pour dégager, élucider, tracer et suivre son chemin dans un contexte politique, économique et social extrêmement difficile.
Ce crime, succédant à d’autres commis à répétition ces dernières années, n’est que l’aboutissement logique de politiques à peu près identiques ces dernières décennies. Des politiques où le théâtre d’ombres persiste, où politique-spectacle et information spectacle poursuivent leur absurde duo.
En perpétuelle hausse ces dernières années, le taux général de la criminalité poursuit sa montée en flèche en Tunisie. En 2018, ce taux a connu une hausse de 13%, par rapport à l’année 2017. En s’appuyant sur les récentes statistiques établies par les autorités sécuritaires dans la lutte contre le crime, les unités sécuritaires disent « avoir réussi à résoudre 81% des affaires criminelles, à l’instar de la violence, d’homicide volontaire, vol, trafic de drogue, contrebande et émigration clandestine».
Toujours est-il qu’au-delà des faits réels et concrets, il y a l’interprétation et l’analyse dont il faut s’armer pour sauver la Cité. Face à l’ensauvagement croissant d’une société déchue, il faut avoir l’honnêteté de saisir ce qu’il pourrait traduire de violent, de rugueux, d’obscur et d’obstruant. Il faut également avoir le courage de le dire à des décideurs plus soucieux d’approbation sans réserve que de mise en évidence critique de la réalité.
Nous butons devant des murs. Nous sommes enfermés dans une cruelle impasse. Et l’odeur de la mort omniprésente, au propre comme au figuré, n’est que l’image tragique d’une société qui peine à déjouer les pièges que l’histoire lui tend. Réalise-t-on, aujourd’hui, que le Tunisien est largement soumis à un environnement qui l’infléchit plus qu’il ne l’enrichit, qui le bloque plus qu’il ne favorise l’épanouissement de ses capacités mentales ?
«L’homme est une forêt de symboles», a-t-on dit un jour. Et il incombe aux gouvernants de la Tunisie nouvelle de décoder les messages que recèlent ces symboles.